Chère rédaction de Nessun Dorma più,
J’ai découvert votre blog il y a quelques semaines et je voudrais partager avec vous une inquiétude qui m’habite depuis le 22 septembre dernier. Je suis une étrangère installée en France, pays que j’aime profondément et auquel je suis très reconnaissante.
Je me permets donc de vous raconter les faits qui suivent, exclusivement parce que ces choses se passent sous mes yeux, et parce que cela ne se limite pas au sol français, comme vous le démontrez avec votre blog.
Le 22 septembre dernier à 7h30 dans le campement de migrants sans papier de Calais, un grand groupe de journalistes, caméramans, de la presse nationale et internationale, regardaient en silence les habitants du campement assis à côté de quelques feux, en compagnie des membres des associations humanitaires qui n’ont pas voulu les laisser seuls cette nuit là.
Ce campement est nommé la "jungle" par ses propres habitants, et il est (était…) situé à proximité des axes empruntés par les poids lourds. Deux semaines plus tôt, les migrants qu’y vivaient étaient entre le 700 et le 800, la plupart d’eux venait d’Afghanistan et attendait de pouvoir partir pour l’Angleterre. Le matin du 22 septembre, ils n’étaient que 276, dont 135 mineurs. Les autres se sont enfuis entre temps, après la déclaration d’Éric Besson qui promettait de démanteler le campement.
Monsieur Besson est le Ministre de l’Immigration, et aussi le dessinateur de la destruction de ce camp qu’il estimait « la base des passeurs », peuplée par des immigrés "exploités" et "victimes de violences". Jusqu’à l’aube du 22 septembre, par contre, le campement était aussi pour ses habitants, le lieu de l’espoir, celui de pouvoir, un jour, aller en Angleterre. Il est évident que ceux qui sont restés, (et qui, à l’aube, ont vu 500 policiers arriver, précédés par les annonces des mégaphones, avec leurs cars et bulldozers qui avaient déjà encerclé le camp peu avant 7 h 30), n’avaient vraiment aucune autre alternative. Les migrants et les membres des associations se sont placés derrière des banderoles. "Nous avons besoin d'un abri et de protection. Nous voulons l'asile et la paix. La jungle est notre maison", proclamait l'une d'elles. Mais le message n’est pas passé, deux heures pus tard les cars de la police avaient tout démantelé, détruit en si peu de temps tout ce que d’autres hommes avaient construit avec autant de peine ( même s’il ne s’agissait que de quelques tentes et baraques..). Dans son communiqué de presse, Monsieur le Ministre Besson, a déclaré : « L’opération de démantèlement de la « jungle », réalisée le 22 septembre 2009, fut un succès : L’objectif, qui était de détruire un campement insalubre et une plaque tournante des filières clandestines à destination de l’Angleterre, est atteint. La zone a été rendue à son état naturel, et deviendra une zone de développement économique. »
La présence de la presse, les nombreuses photographies prises ce matin là, les visages des jeunes, les vidéos qui circulent par tout, laissent croire le contraire. Tout cela fait penser à une intimidation médiatisée et non à une action humanitaire (malgré tout, on est pas encore idiot, et nous ne pouvons pas écouter Monsieur Éric Besson quand il définit sa politique « de fermeté et humanité ») On reconnaît à un mal, mais nous ne pouvons pas (hélas !) localiser sa source. C’est un mal dont je me reconnais malade, moi aussi, après tout.
Éric Besson a donné à chacun des migrants trois « solution individuelles » : le retour volontaire, la demande d'asile ou l'expulsion. Sauf que la majorité des habitants de la jungle venait de l’Afghanistan, et qu’ils rentrerons dans un pays en guerre. Sauf que pour eux sera difficile d’obtenir l’asile, voir impossible. Sauf que, le 22 septembre il y avait des gamins devant la police, et certains parmi eux étaient malades de gale. C’est quoi notre problème, Monsieur le Ministre ? Avouons-le, voici notre mal: la peur de l’autre, tout ce qui est autre que moi, qui pourrait venir frapper à ma porte, me déranger, mettre en cause mes opinions, mes valeurs, mes certitudes. (Avouons-le, Monsieur le Ministre, vous et moi, on doit soigner notre cancer. Ce n’est pas un hasard si vous êtes à la fois Ministre de l’Immigration et Ministre de l’identité Nationale, comme pour dire d’une façon grandiloquente que les étrangers sont un danger pour notre identité… Ce n’est pas un hasard si le 2 novembre, vous avez ouvert un grand débat sur l’identité nationale, (par Internet, à la télé, sur les journaux, sur les opuscules gratuits dans le métro, sur les magazines pour ados… ), « qui se clôturera le 4 février 2010 par un colloque sur l’identité nationale, au cours duquel le Ministre présentera la synthèse des travaux. » C’est ne pas un hasard si, avec des beaux mots, comme « ressortissants étrangers » , « intégration » et « développement solidaire », vous avez essayé de cacher la tumeur qui s’élargit. Pourquoi sinon commencer un débat sur l’identité nationale, par un texte qui pose, dès la première ligne, le problème sur les « personnes d’origine étrangère » et non pas sur ce que nous sommes ? Pouvons-nous définir notre identité uniquement sur la peur de l’autre ? Quel est notre but ? Nous placer dans une situation de supériorité par rapport à l’autre, le différent, l’étranger ? Peut-être. Sauf que cela est ce que mon grand-père entendait dire à la radio par un certain bon homme aux moustaches noirs . Tâchez de m’excuser, Monsieur le Ministre, si j’ose me prononcer, c’est seulement pour l’amour à l’égard du pays qui m’a accueillie il y a quelques années). Tout cela ne prouve que la présence de la tumeur, d’un mauvais fonctionnement de nos cellules, de notre humanité.
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